Selon une étude commandée par la Communauté Métropolitaine de Montréal (CMM), un éventuel déversement du pipeline proposé Énergie Est de Transcanada, qui transporterait les mêmes types de produits que la ligne 9 sur un tracé semblable (mais avec un débit beaucoup plus grand) aurait le potentiel de contaminer les prises d'eau potable d'une grande partie des 3.8 millions de résidants de la région de Montréal.
Des enseignant-e-s en traitement de l’eau ont averti qu’il n’y a « pas de plan B » pour l’approvisionnement de Montréal en eau potable dans l’éventualité d’un déversement majeur d’hydrocarbures. La majorité des stations de purification de la région métropolitaine n'ont aucune prise d'eau de rechange, et n'auraient de réserves que pour 12 à 16 heures.
C’est en se basant sur les données collectées grâce à cette technologie qu’entre 2013 et 2014, Enbridge a prodécé à 989 excavations sur l’ensemble de la ligne 9 pour y réparer ce qu’elle daignait nécessaire.
On parle ici des pires sections, soit celles qui présentaient des craques dont la profondeur était d’au moins 50% de l’épaisseur du tuyau (la majorité du pipeline étant épaisse de 6.35 mm seulement).
La grande majorité des 12961 défauts identifiés par ILI ont été laissés sous terre tel quels.
Et qu’en est-il des défauts qui n’auraient pas été détectés?
Une pratique largement recommandée pour avoir un minimum d’assurance quant à l’étanchéité et à la solidité d’un pipeline consiste à recourir aux tests hydrostatiques, c’est-à-dire « remplir un pipeline d’eau et le pressuriser à un niveau qui dépasse sa pression normale de fonctionnement ».
L’ordonnance de l’ONÉ vise seulement trois sections, et non l’intégralité du pipeline de 639 km. Au Québec, la seule section concernée est un tronçon de 20 km autour de Mirabel.
La section de 3.5 km du pipeline qui passe sous la rivière des Outaouais n’a donc pas été sujette aux tests, même si les éléments d’usure connus s’y sont quintuplés entre 2012 et 2004, que la corrosion du pipeline y serait la plus avancée, et qu’une rupture à cet endroit provoquerait le déversement de 957 000 litres de pétrole en 13 minutes.
Peu avant la remise en service du pipeline, des citoyen-nes inquièt-es réclamaient toujours l’installation d’une valve en amont de la rivière des Outaouais.
Considérons la ligne 6B d'Enbridge, qui est presque identique à la ligne 9 de par son âge, sa construction et le fait qu’elle a été inversée pour transporter du bitume dilué.
En 2010, la ligne 6B a fendu. Plus de 3 millions de litres de bitume dilué se sont alors écoulés dans la rivière Kalamazoo.
La fuite a été découverte après 17 heures. Entretemps, les opérateurs d’Enbridge en Alberta ont essayé deux fois de redémarrer le système, croyant avoir affaire à un problème de pression.
Le nettoyage de la rivière s'est étalé jusqu'en 2014 et a coûté 1.2 milliards $ US, sans compter la supervision qui perdure.
Une agence fédérale américaine a déterminé que cette catastrophe aurait pu être évitée: Enbridge savait depuis des années que cette section était vulnérable mais n’a jamais agi en conséquence.
Enbridge a refusé de partager ses plans détaillés de mesures d'urgence pour les intervenants de première ligne de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, malgré une demande d'accès à l'information de cette dernière.
La compagnie n'a pas plus donné suite à la demande des municipalités de les tenir informées des anomalies sur le pipeline et des produits qui vont y circuler, pour être mieux préparées à un éventuel déversement (confinement, évacuation, etc.). Pourtant, L'ONÉ exige des programmes de gestion des situations d'urgence.
Au moment de l’autorisation donnée à Enbridge par l'ONÉ, plusieurs municipalités n’avaient toujours pas reçu d’Enbridge le plan d’urgence en cas de déversement.
Le 30 septembre 2015, sans tambour ni trompette, l’ONÉ a validé les résultats des tests hydrostatiques et a donné le feu vert final à la mise en service de la ligne 9. Ce qui a suscité bien des inquiétudes.
Après avoir reçu le feu vert de l’ONÉ, Enbridge a annoncé qu’elle allait procéder à de nouvelles excavations à partir du 2 novembre 2015, cinq en Ontario et trois au Québec.
Cela en dit long sur l’efficacité des inspections internes d’Enbridge. De même que sur l’ONÉ, qui autorisait la compagnie à procéder à la mise en service sans effectuer ces travaux de dernière minute. Rappelons qu’initalement, Enbridge comptait effectuer l’inversion du pipeline le 15 octobre 2014.
Les résident-e-s de Terrebonne, notamment, ont réagi avec perpléxité et inquiétude. Le flou demeurait à savoir si les travaux allaient au moins être réalisés avant la remise en service du pipeline. (On apprenait plus tard que la réponse est non - voir plus bas).
Le 21 novembre 2016, le Devoir nous apprend que depuis son inversion, le pipeline 9B a subi des réparations à 63 reprises, dont 22 fois au Québec. Pour obtenir ces informations, le journal a du faire des demandes répétées à l'ONÉ et démêler les données finalement reçues.
Une multitude de problèmes de santé dus au raffinage et à la pollution de l'air pourraient en découler.
En transportant 300 000 barils par jour, l'inversion de la ligne 9 d'Enbridge permettra une expansion de la production des sables bitumineux de l'ordre de 12%. Ce qui entraînera « la production de 7,9 mégatonnes de nouvelles émissions de gaz à effet de serre (GES), soit l’équivalent de 1 650 000 voitures supplémentaires sur nos routes. »
Suivant la logique coloniale habituelle sur laquelle ce soi-disant pays s'est construit, les communautés autochtones sont les premières affectées par ce projet de pipeline. Elles sont aussi les premières à se lever pour le combattre.
Le point de départ de la ligne 9 est Sarnia. Or la communauté d'Aamjiwnaang, près de Sarnia, est entourée par plusieurs raffineries et usines au coeur de la tristement nommée “Chemical Valley”, qui regroupe 40% de toute l'industrie chimique du soi-disant Canada. La qualité de l'air y compte parmi les pires en Amérique du Nord. La communauté est donc forcée de composer avec cet environnement apocalyptique et avec les problèmes de santé sévères qui en découlent. Chaque année, le Toxic Tour propose une visite des lieux pour exposer le racisme environnemental qui s'exerce à Aamjiwnaang. Pour en savoir plus, suivez ASAP : Aamjiwnaang and Sarnia Against Pipelines.
Le 30 novembre 2016, la Première nation des Chippewas de la Thames affrontera le gouvernement fédéral devant la Cour suprême du Canada, au sujet de la ligne 9. Elle souhaite faire valoir qu'elle n'a pas été consultée avant l'approbation du projet par l'ONÉ. Le pipeline traverse la rivière Thames, une importante source d'eau potable pour la communauté. Une victoire pourrait avoir des répercussions immenses dans la lutte contre ce pipeline et pour le respect des droits des autochtones.
Dernière mise à jour le 25 janvier 2015